12.06.2017

81 retour sur

Retour sur paysage intérieur. Mer en rêve me manque, même inquiétante. Me manque marcher partir imprévu étrangeté, même éboulements chutes cratères. Me perdre me manque.

11.29.2017

80. tailler des phrases dans le bois

Tailler des phrases dans le bois copeaux après copeaux à même la forêt au risque de n’y laisser que des chutes une dépense stérile. Nulle dépense stérile mâcher des phrases des copeaux à même le bois tailler dans la forêt au risque de chuter. Ni chute ni copeaux des phrases juste tailler.

11.28.2017

79. maints espaces

Maints espaces sont des coquilles vides, des maisons creuses, des déserts, des musiques des paroles jamais les miennes. Y étant je n’y suis pas.

11.27.2017

rc/ Des manières de faire + un idéal

L’articulation Recherche & Création comme tentative de donner forme à la singularité d’une création


[Communication pour la journée d'étude "Pratique et théorie dans la recherche en création littéraire", organisé par l'axe Création du laboratoire de recherche AGORA  à l'université de Cergy-Pontoise le 15/11/17]


Ma proposition, de penser la recherche et création comme une forme singulière attachée au projet créatif, induit d’emblée une primauté de cet axe. 
Mais c’est bien la dimension créative qui fait son entrée à l’université. C’est bien elle que l’on interroge, et sa capacité à produire, à provoquer, à s’accompagner d’une réflexion théorique. 
Une création donc, prise dans sa complexité, sa richesse, afin que dans son sillage il soit possible de saisir et de développer ce qu’elle entraîne comme questions, lectures, intentions, vérifications, etc.

Non pas dans l’idée d’analyser sa propre écriture, mais plutôt dans l’idée de tirer, à partir d’elle, des fils qui permettront de développer un ensemble théorique qui vaudrait pour contexte, pendant, ou même détour nécessaire à la création.

J’ai usé dans mon titre du mot tentative, au sens que Fernand Deligny lui donne (quand il parle de ses expériences éducatives comme de tentatives, avec la dimension créatrice que cela suppose) — c’est-à-dire d’un espace d’invention, d’initiative qui, dit-il : « se trame dans la réalité comme elle est, dans les circonstances comme elles sont, allant même à la rencontre d’événements assez rares qui ne peuvent pas être créés arbitrairement. (1) » 

L’articulation recherche et création comme espace d’invention pour donner forme à la singularité d'une expérience de création et tenter d’en rendre visible les trames sous-jacentes, d’en comprendre les tenants et les aboutissants, d’en exploiter les ressorts.

Seule une tentative serait en mesure d’accompagner la singularité d’un projet d’écriture créative, pendant qu’il se manifeste, avec ses détours et ses errements, depuis l’intérieur de sa pratique et de sa matérialité, et de lui donner forme.

Elle répondrait aussi à la nécessité d’élaborer une réflexion théorique, de problématiser une question, de se donner des éléments de réponse dans le champ élargi du littéraire ou d’autres disciplines en dialogue avec la littérature.


Un objet à la fois redondant et dédoublé



Recherche et Création est un objet à deux têtes dont chacune regarde dans une direction différente — comme Janus, dieu des commencements et des fins, des choix, du passage et des portes

Mais théorie et pratique artistique sont tous deux l’objet d’une recherche. 
L’écriture et la ré-écriture impliquent un ensemble de procédés techniques, sensibles et intellectuels qui requièrent des savoir-faire, des automatismes et des distanciations, des présupposés, des vérifications, des abandons et des ressaisissements, des phases d’action et des phases de réception. Dans son essai Art as experience (2), John Dewey évoque ces différentes phases d’élaboration d’une œuvre. On a affaire à un « processus de développement », dit-il (J.D. p.171). Ce qui se constitue ici est bien une recherche en acte.

Mais théorie et pratique artistique sont tous deux l’objet d’une création. 
Posons l’hypothèse d’une théorie élaborée uniquement à partir de citations agencées de telle sorte que s’y révèle une pensée singulière. Il y a création dans cette organisation qui a pour but de proposer une lecture nouvelle. Il y a création dans la modélisation de données. Le geste d’écrire s’associe à la notion d’expression au sens où l’entend Vilèm Flusser (3) qui signifie “presser contre”, “presser de dedans”. Presser contre sa mémoire, contre les touches d’un clavier ou contre une feuille de papier. Presser depuis l’intérieur de soi, à partir d’une idée, d’une lecture, pour ex-primer une virtualité cachée. À tel point que « le geste d’écrire, dit-il est la réponse à la question : « Qu’est-ce que tu exprimes ? » (V.F. p.47). L’expression se dévoile en écrivant, qu’elle soit théorique ou artistique.

Théorie et pratique artistique sont tous deux l’objet d’une recherche et d’une création.
Seulement, l’un vise une parole explicite, c’est à dire non seulement aguerrie, éprouvée, mais encore à vocation d’éclaircissement ou d’explicitation. Elle élabore quelque chose à transmettre pour se faire comprendre. 
Tandis que l’autre projette une parole qui peut prendre le risque d’être trouble, ou troublée, comme l’eau, ou en cours de définition, ou obscure à elle-même au moment de son exercice. « Disons que la poésie est un ratage nécessaire », dirait Emaz (4),« disons que la poésie va têtue » ajouterait-il. La création littéraire bien sûr n’est pas forcément poésie, mais elle est une écriture qui se cherche, ne s’explicite pas. Elle élabore quelque chose pour se faire entendre.

Une partie de la complexité résiderait dans le fait qu’entre la théorie et la pratique artistique, en littérature le matériau est identique : des mots, un texte, l’écriture. Quand les plasticiens, eux, élaborent une recherche par l’action, problématisent dans leur médium ou dans leur matériau — ce que d’aucuns appellent « penser avec ses mains » — nous n’avons que le geste d’écrire pour élaborer deux types d’expressions radicalement différentes. Quoique d’autres prétendent « écrire avec leur pieds », ce qui reviendrait à dire qu’il y a une sorte de pré-écriture avant le geste d’écriture, avec le corps, dans la marche par exemple, selon Jacques Roubaud (5).


Une articulation à trouver


Du tiret (usité au Québec : recherche-création), à l’esperluette (signe plastique qui singularise) ou à la simple conjonction de coordination, il y a toujours cette volonté d’articuler deux éléments qui semblent s’agencer tout en conservant leurs distinctions. 
Que serait alors cette articulation ? Joint, cartilage, rouage ? Ou encore moyeu que l’on graisse pour que mouvement se fasse, que roue tourne, qu’engrenage soit entrainé (me voilà dans la mécanique). À nouveau une histoire de « Cambouis » (6), dénomination sous laquelle Antoine Emaz donne à lire ses carnets, ses lectures, ses manœuvres d’écriture au quotidien. Une histoire d’ « Outils », par lesquels Leslie Kaplan (7) qualifie les œuvres qui lui permettent de penser le monde ; ou encore ce sont les « Outils du roman » qui creusent la question de la fabrique d’écriture, façon creative writing, par Malt Olbren alias François Bon (8)
Tous sont une façon de poser un regard sur ses manière de faire, ses matériaux, ses lectures et ses instruments.
Articulation comme le pivot d’un objet bicéphale : recherche-et-création, qui serait en même temps l’espace de la ré-flexion, la possibilité d’une réflexivité de l’un vers l’autre :
>D’éléments de réponse théorique vers la création en cours.
>De trouvailles d’écriture créative vers une réflexion théorique.

Une réflexivité qui n’opère pas dans un temps linéaire, ni dans un aller-retour fluide, ou continu, ou synchrone mais par à coups, par détours, à certains moments propices. Une réflexivité qui aurait lieu depuis cette articulation, qui serait elle-même effective, c’est-à-dire capable de transformer ou d’orienter sous son impulsion et selon sa force d’entraînement chacune des parties.
Ce qui conduirait à imaginer des méthodes plutôt circonstancielles, qui puissent s’adapter à l’évolution d’un projet ouvert et mouvant, et à délaisser des méthodes plus académiques ou normatives.



S’interroger sur ses méthodes



Ces méthodes, ce sont les moyens que l’on se donne pour travailler, pour déplier une question, une idée. 
Dans la création chaque démarche est singulière parce que nos manières de faire, celles éprouvées par l’usage, interfèrent chaque fois différemment avec la singularité d’un nouveau projet. C’est peut-être ce qui fait la différence avec une méthodologie théorique qui doit pouvoir s’appliquer à tous les questionnements. 
Mes méthodes sont attachées à l'approche créative, qui m’est plus familière et qui correspond à mon parcours. C’est donc cette approche, par la pratique, qui va guider l’ensemble de mon travail en recherche et création.

« Poser un cadre et de laisser les choses entrer dedans », est une phrase contenue dans un de mes textes qui n’a cessé de faire retour dans mon travail. Elle dit quelque chose de ma démarche créative, qui implique à la fois une délimitation forte, volontaire, et une ouverture, un jeu avec les circonstances.


« Poser un cadre », est une façon de délimiter un territoire d’action et de réflexion, ou même simplement une durée, à l’intérieur desquels développer une attention particulière propre à la création. Poser un cadre permet de définir un dispositif de travail.
Ainsi, pour mon projet de mémoire, j’ai décidé d’écrire à partir de notes prises dans le RER A et d’élaborer une sorte de récit avec l’hétérogénéité de ces notations. C’est ce qui a donné lieu au texte À l’approche (9).
Tandis que pour mon projet de thèse, le premier cadrage de l’écriture créative est un lieu géographique (la  ZAD de Notre-Dame des Landes). Le second cadrage est un dispositif d’écriture qui a consisté à atteindre ce lieu à pied. C’est un dispositif à la fois spatial et temporel. Il a duré 13 jours pendant lesquels, en marchant, j’ai pris des notes avec l’enregistreur vocal de mon téléphone — ce que j’ai appelé Marchécrire et dont j’ai tenu un bref journal texte/image au jour le jour sur mon blog Carnet des départs (10).
Ces cadrages peuvent être définis en amont ou bien évoluer à même l’expérience car leur nécessité peut apparaitre au fur et à mesure. 

« Laisser les choses entrer dedans », c’est d’abord une conviction. La conviction qu’il est important de faire intervenir dans le travail des éléments contextuels extérieurs à mes propres intentions. Une façon d’échapper à son seul imaginaire pour faire jouer un espace autre. Conception qui place l’expérience, l’essai, le fortuit, la rencontre, au centre du travail. 
À cela s’ajoute la prise en compte de ce qui est de l’ordre de l’indéterminé, de l’indicible dans la création. Cet indicible apparait dans le premier moment de la pratique, il est précieux, il a sa place dans le processus créatif. Il permet de laisser venir, depuis l’intérieur de la pratique, par la confrontation avec la langue (les mots, les phrases, la grammaire) quelque chose qui ne peut pas être prévu ou décidé et qui pourtant est là, qui tient peut-être autant de la mémoire, que de l’attention ou encore de l’intuition. 
John Dewey s’attache à définir cette dernière comme une « rencontre de l’ancien et du nouveau » en laquelle une « sorte de prise de conscience s’opère instantanément sous forme d’une harmonisation rapide et inattendue qui (…) agit comme l’éclair d’une révélation alors qu’il s’agit en fait de l’aboutissement d’une longue et lente incubation. (11) »
Cette définition de ce qu’est l’intuition, partie prenante dans la pratique, nous éclaire aussi sur l’importance de l’appréhension du temps dans la création, de ses différents moments, ses fulgurances comme ses ralentissements, et de la nécessité d’intégrer cette question du temps dans le processus. Une durée est à l’œuvre qui travaille en sous-main, littéralement “sous la main qui écrit”, elle est aussi productive qu’incompressible (12)

L’ensemble de ce que je décris pourrait être appelé approche heuristique. C’est une façon de chercher ce qui est à découvrir à partir de l’expérimentation, d’hypothèses, de dispositifs, d’approches successives. Cette méthode est très proche de la réalité d’une pratique artistique, elle permet de développer une réflexion qui parte d’elle.  


Articuler peu à peu une forme


C’est donc à partir d’une exploration du processus de travail, des références qui interviennent dans ce processus, des cheminements de pensées, des lectures, de la transformation des idées en notions opérantes (ou pas), de constantes et d’aléas, que va se construire peu à peu cet ensemble. 
Cela demande de prendre en compte la dimension réflexive, cette articulation, d’en faire un élément à part entière capable d’agencer les deux modules et de produire des liens. De tenter de rendre compte de la complexité d’un projet par une forme originale, qui lui correspondrait en propre, et dont l’articulation entre la partie théorique et la partie artistique serait rendue visible. 
Il ne s’agit pas à proprement parler de concevoir une troisième partie mais de trouver une façon de donner à voir ce qui est habituellement masqué : les soubassements d’un chantier d’écriture — les étapes, les questions, les chevauchements, les liens — dont le texte final serait la partie habitable.
Montrer cette articulation c’est laisser apparaître ce processus de développement (13) dont parle John Dewey à propos de la production d’une œuvre. Donner accès à cette intensité de l’échange qui a lieu pendant l’expérience artistique. Car l’œuvre trouve sa raison d’être et son intelligence pendant sa réalisation. L’énonciation qui précède cette réalisation est un exercice qui ne s’approche que très artificiellement de l’objet auquel on aboutit. Et l’observation, la réflexivité, le discours ont toujours besoin de ce décalage temporel par rapport au faire.

À partir de là, ce qui me parait riche, c’est de se donner la possibilité d’appliquer à la recherche théorique un peu des méthodes de la création ainsi que d’accompagner son travail créatif en cours d’une dimension réflexive. C’est d’ailleurs ce qui me paraît le plus difficile : s’approcher avec les outils de l’analyse d’une œuvre encore dans sa fragilité, dans son exécution, dans son brouillon de travail (et même dans son travail de brouillon). 
Et s'il est complexe de croiser les deux parties, il me semble qu’aller vers cette fluidité, la rechercher est un des véritables enjeux de la Recherche et Création, le plus difficile mais aussi le plus intéressant. 

J’essaie donc de rendre cette articulation visible. À la fois par des notes réflexives régulières, des réflexions liées à mes lectures, et l’élaboration de cartes heuristiques.

Ainsi si la première année de la thèse m’a permis d’amorcer le projet créatif et d’en commencer l’écriture, j’ai ensuite suspendu ce chantier pour entamer l'écriture de l'un des axes théoriques (14) (théorie que j’aborde par îlots, toujours dans l'idée d’une structure souple qui puisse se ré-agencer en fonction de l’évolution de la réflexion).

Ces deux chantiers étant ouverts, je gage d’une porosité de l’un à l’autre, d’une « circulation de sens et d’engendrement », comme l’a énoncé Corinne Robet (15).

La méthode que j'expérimente ainsi consiste à avancer périodiquement, en engageant suffisamment l’une et l’autre partie afin qu’elles puissent — dans un va-et-vient entre production créative et pensée théorique — mais sans viser le même objet — dialoguer, s’infléchir, s’enrichir.


Conclure provisoirement


Je ne sais pas aujourd’hui ce que sera finalement mon objet “thèse-de-recherche-et-création-littéraire” mais je souhaite que cette recherche soit expérimentale, en ce qu’elle implique des méthodes permettant « à l’incertitude, au doute ou au questionnement de se produire en actes ». Je donne ici une caractérisation du mot expérimental (16), issue d’un recueil de textes sur l’art (co-écrit par des chercheurs en sciences humaines, artistes et curateurs). « Toute création, disent-ils, n’est pas expérimentation mais elle contient des points d’expérimentation ». Pour les repérer il s’agit de « revenir aux actes, à travers leur mode d’enchaînement et leurs effets : étonnement, tâtonnement, doute, bricolage… ». Ce sont ces points d’expérimentations qu’il m’intéresse de saisir et de rendre visible dans l’articulation du travail. 

Enfin, mon travail de recherche ayant à voir avec la question du déplacement, c’est peut-être aussi, par ces analogies toujours à l’œuvre, qu’il trouve à s’élaborer de cette façon : pas à pas, comme un marcheur à travers un paysage, avec quelques cartes en main mais aussi en le découvrant au fur et à mesure. Cet espace qui s’ouvre devant le marcheur est ce qui émerge de l’écriture, et qu’il interprète (ou met en récit)  grâce à un rapport dynamique entre ses lectures, ses réflexions, sa pratique. De ce rapport dynamique sera issue la forme finale. Il y a dans cette dimension expérimentale un déplacement de l’attention vers le geste, la fabrication, l’expérience, qui décale la question de la forme afin qu'elle soit l'aboutissement d’un processus plutôt que l’application d’un modèle.

__________________________________________

(1) Fernand Deligny, Le Croire et le Craindre, p.71.

(2) John Dewey, L’art comme expérience, 1934, Publication de l’Université de Pau / Editions Farrago, 2005 pour la traduction. 

(3) Vilèm Flusser, Les Gestes, co-éditions Al Dante Aka, textes réunis en 2014, p.46, 47.

(4) Antoine Emaz, Cambouis, éditions publie.net, 2010, p.202 et 203.

(5) Je me réfère aux « marches de poésie » de Jacques Roubaud. Dans Poésie : (éditions du Seuil, coll. « Fictions et Cie », 2000), il parle de son processus création lié à la marche : "Je m’inventais alors la méthode des parcours obligés, des parcours à contrainte. Car l’attention à la contrainte force un degré supérieur d’attention, et met en mouvement, par en dessous, l’attention de la mémoire » (p. 125) .

(6) Antoine Emaz, Cambouis, 2009, éditions du Seuil, coll. « Déplacements ».

(7) Leslie Kaplan, Les Outils, 2003, éditions P.O.L.

(8) François Bon, Outils du roman, 2016, Tiers Livre éditeur.

(9) Virginie Gautier, À l’approche, éditions du Chemin de Fer, 2017.


(11) John Dewey, L’art comme expérience, 1934 op. cit. p. 311.

(12) À ce propos j’aimerais citer la transcription des paroles du peintre Pierre Tal-Coat issues du film « Pierre Tal-Coat, l’atelier ouvert » de Michel Dieuzaide : « Ces œuvres qui sont là, elles sont en attente, mais c’est une attente si je puis dire bénéfique. Par le temps elles prennent une autre dimension. Elles s’équilibrent et il s’établit comme un appel. Mais je ne vais vers elles que selon mon humeur et aussi selon leurs propres humeurs (…) Il y a des choses qui lorsque je les ai faite pouvaient me sembler des impatiences où des choses désordonnées, qui après du temps passé, deviennent des choses, je puis dire, importantes. » 
Accès : https://www.youtube.com/watch?v=XC-UGNau54o&feature=share.

(13) John Dewey, L’art comme expérience, 1934 op. cit. p.143.

(15) Ma recherche théorique s’intéresse aux récits contemporains de déplacement, à la fois comme motif d’écriture (récits d’espaces, approche géocritique), comme expérimentation d’une mobilité (la place de la locomotion et de la perception, l’approche phénoménologique), et enfin comme processus de création (attention accordée à la dimension matérielle par l'approche médiologique). En émettant l’hypothèse que ce genre mobilise autant des questions de forme que de sens, qu’il se redéfinit constamment en même temps que se redéfinissent les contours du réel et des espaces qu'il énonce. C'est la question d’une littérature qui se déplace pour se porter au-devant du monde, en faisant de ce déplacement à la fois une expérience vécue et l’occasion d’une redéfinition de son expression

(16) Corine Robet, enseignante du D.U. d’Aix, doctorante à l’AMU. Sa communication du 15/11 : « Mieux vaut une bonne thèse qu'un mauvais roman !, récit d'une expérience à contre-pied ».

 (17) Elie During dir., In actu — De l’expérimental dans l’art, 2009, Les Presses du Réel, coll. « Fabula » (co-édition Publications des Marquisats, école d’art de la Communauté de l’agglomération d’Annecy).


>journal de la thèse, Recherche & Création littéraire, Université de Cergy-Pontoise, laboratoire AGORA, 2016

11.22.2017

78. rétrécissement des zones naturelles

Rétrécissement des zones naturelles, mes lapins serrons-nous un peu, multiplions les rendez-vous, mes moucherons, mes passereaux, sur notre très petit territoire faisons famille d’accueil.


11.06.2017

76 cultivé champ de mer

Cultivé champ de mer, sarclé dans l’enroulement des vagues, longtemps, avec les yeux bêchoté le remue hypnotique.

10.22.2017

75 au spectacle

Au spectacle de ce qui bouge tenir l'aplomb, penser à rien d’autre qu’aux bruits, qu'aux montagnes bien plus vieilles qui sont des vagues immobiles. 

10.17.2017

74. emboîtées contre le vent

Emboîtées contre le vent les maisons sur l’île garantissent le passage à regret. Après plus rien, le ciel, les mots craie concassé coquillage.

10.10.2017

73. Tarmac de sable

Tarmac de sable en attente de nuit. Croisé troupe longe-côte nouvelle faune littorale. Des petits êtres noirs immergés aux trois-quart.

9.18.2017

une expérience / des mots / des images






Après avoir lu "À l'approche", Renaud Buénerd a pris à son tour le RER A, depuis Paris vers le val d'Oise. Il a franchit la petite et la grande ceinture, les boucles de la Seine, traversé des circonférences, des campagnes, d'autres villes pour regarder et entendre, voir, enregistrer, vivre, écouter, sentir, photographier, dessiner, noter.

Pendant ma première année universitaire à Cergy, j'ai fait de ce train un terrain d'écriture. Avec le désir de travailler la question du déplacement, de questionner une écriture du dehors, quelles collectes ? quelles traces ? quelles rencontres ? quel rythme même cela laissera t-il ?

Ce qui est au départ pour chacun de nous une expérience est en train de devenir un livre. 

Toutes en palimpsestes visuels, les images de Renaud Buénerd, peintes sur des photographies, jouent avec le vu et le deviné, la transparence et la saturation. Les superpositions d'images, de couleurs, de motifs. Les glissements de sens, les obscurités, les confrontations. 

Elles me touchent beaucoup parce qu'en plus de leur façon particulière de nous interpeler, et tout en développant leurs propres narrations, elles utilisent un procédé de feuilletage qui m'est cher et auquel je requiers moi-même pour tenter de redire, de fixer, le flux — l'interpénétration de la vision, de la pensée, de la rêverie — la multiplication et le croisement des mondes dans lesquels nous sommes en permanence plongés.






=> "À l'approche" paraîtra aux éditions du Chemin de Fer en novembre 2017.
=> Vers l'instagram du projet
=> Vers celui de Renaud Buénerd


8.16.2017

rc/ Été-danse



Été dense. Mais l'adjectif dès qu'il se met à jouer devient une sorte d'injonction, impérative et douce à la fois : danse ! qui consiste à apprendre à passer de façon fluide d'une chose à une autre.
D'un article à un texte littéraire, d'un manuscrit à une lecture théorique.
Eté-danse : entrelace, contourne, entre, écarte, déplace, prolonge... 
Les gestes sont différents mais finissent pas se relier et former une sorte de mouvement d'ensemble.

Quelques éléments de ce qui s'est ainsi écrit et entremêlé :

Un article sur le passage du blog au livre dans le travail d'écriture d'Olivier Hodasava (présenté cette année dans l'axe Création de notre laboratoire de recherche), pour le numéro 1 des "Cahiers d'AGORA" qui paraîtra en janvier 2018 :
> "Du blog au livre : les changements de support et leurs effets dans les processus d’écriture et l’élaboration du récit — une étude à partir du travail d’Olivier Hodasava, du blog Dreamlands au livre Éclats d’Amérique (éditions Inculte, Paris, 2014)"

Un article sur le rapport texte/image dans le processus de création du livre Marcher dans Londres en suivant le plan du Caire (présenté lors d'un séminaire à l'université de Cergy Pontoise en juin) qui devrait suivre le même chemin :
> "Écrire dans l’intermédialité — réflexion autour du processus d’écriture texte/image dans le texte poétique « Marcher dans Londres en suivant le plan du Caire », Virginie Gautier,  éditions Publie.net,  2014"

Des lectures pour la partie théorique de la recherche. Après cette première année de mise en route du chantier d'écriture littéraire, j'aimerais commencer à rédiger des parties théoriques cet automne. Il y a des chapitres qu'il me tarde d'écrire, que je ne veux pas pourtant pas agencer tout de suite en un plan formel. 

Deux dernières lectures :
Hyper-Lieux, de Michel Lussault
Le Monde plausible, de Bertrand Westphal

Enfin le texte en écriture pour le volet littéraire de la thèse, dont le point de départ est mon expérience d'une marche de 250km entre mon lieu de vie et la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. (#Marchécrire, voir notes au jour le jour dans l'onglet "Carnet des Départs"). Une phase de travail que je veux achever cet été pour ne pas laisser passer trop de temps depuis l'expérience. 
Des amorces de récit apparaissent. Une finalité s'invente, se cherche — même si le projet se poursuivra dans l'année à venir sous une forme qui reste à découvrir.


Extrait du travail en cours :

"Ce que je remarque, qu’il y a des lieux où la langue se délie mieux. Des lieux qui articulent de la pensée. Je me tenais plutôt silencieuse depuis hier, je fatiguais. Plus de verbes d’actions à mettre bout à bout, ni les choses vues au passage, ni les déchets mêlés aux fleurs des bas-côté. Pas de point d’accroche. Pas d’inscription. Laisse couler, c’est du temps qui file. De la répétition, de l’uniformité. J'avance sur le tapis roulant du paysage. Marcher-s’absenter. C'est une question de fermeture et d'ouverture. De ce qui d’un coup nous ranime, communique dedans-dehors, nous fait du bouche à bouche — un sentier, un panorama, un envol. Il suffit d'un rien pour que ça se remette à circuler. 
En haut d’une passerelle je plonge mon regard dans l’eau, les trois dernières marches sont complètement noyées. Quelqu’un a accumulé tout un tas de trouvailles pour faire un passage à sec : grillage, barbelé, un branchage, c’est plus risqué que rien du tout. Je mesure ma chance, appuie le moins possible, saute. J’aurai pu m’y prendre les pieds. On trouve toujours une planche pour faire un pont, me dis-je, si ça se complique. Je continue, le sol est de plus en plus spongieux. D'autres empreintes dessinent des détours auxquels je me plie. Je croise un homme en vêtement de camouflage qui tient un appareil photo avec télé-objectif, me tourne le dos, ne répond pas à mon salut. Marcher-passer. Sur le mépris non plus ne pas s’attarder. S’éloigner trop vite. N'empêche, le silence est plus casse-gueule après. Le sol plus spongieux. Les flaques plus larges et profondes. Les passages difficiles plus difficiles. Puis infranchissables. Devant ce fossé il aurait fallu des bottes de pêcheur, ou bien se déchausser et enlever le pantalon. Passer le sac  à pied. Se rhabiller de l’autre côté. Je décide de faire demi-tour au risque de repasser par le dos de l'homme, par les marches noyées, en cherchant à me souvenir s’il est plus difficile de descendre ou de remonter un rocher. Je croise une joggeuse qui rentre chez elle. Elle me demande si on peut passer. On ne peut pas. Elle dit, tant pis, qu’elle marchera dans l’eau, que juste après il y a un chemin qui mène directement chez elle. Qu’elle ne veut pas faire ce grand détour, qui consiste à passer par le village, à quitter le marais, auquel moi je me me résous à contrecœur."


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