9.07.2012

/ 7 septembre 2012 - avec Juliette Mézenc





Donc. Venir se dépayser chez Virginie Gautier pour lancer cette entreprise qui eut pas mal d’exemples : fabriquer un almanach à partir du plateau ardéchois, paysage que je crois connaître (sous-titre envisagé :  Enquête en terrain connu).

L’Almanach semble convenir quasi-parfaitement  au désir d’agencer des textes qui n’ont a priori pas grand-chose à voir les uns avec les autres (recette, anecdote ou récit bref, liste de choses à faire ou défaire, observation de la flore et de la faune (y compris touristique), minute littéraire, itinéraire pour marcheurs, etc.). Place serait laissée aux notes du lecteur… pourquoi pas des propositions d’écriture, tiens oui pourquoi pas.
Quelques res-sources sur la table de travail :
Almanachs de tout poil of course (Vassilliou,  Vermot,  PLM, Groland…)
Les Cahiers du Mézenc
Les adolescents troglodytes d’Emmanuelle Pagano
Paysage fer de François Bon
Tanganyika project de Sylvain Prudhomme
Une série de conférences sur Cités et frontières, parcs et paysages mise en ligne sur remue.net au début de l’année
Mille Plateaux de Deleuze et Guattari

Ce sera la tentative vouée à l’échec (et c’est heureux) d’épuiser un paysage, de lui faire rendre gorge. Je repense à cette chère Mauricette Beaussart et à son ETOILE POINT ETOILE, « livre qui voulait décrire le monde actuel dans sa totalité, une œuvre composée majoritairement de textes trouvés, découpés dans les journaux de petites annonces, les prospectus de supermarché, les catalogues de vente par correspondance, des listes de course […], *.* désignant n’importe quel fichier et par là, tous les fichiers existant dans la mémoire de l’ordinateur ».

Juliette Mézenc (photo J.Mézenc)

Jeter les premiers jets d’un projet dans les Vases, il faut oser le faire. Les recevoir c’est extrêmement touchant. C’est avoir l’impression d’y être un peu mêlée. D’héberger des prémisses, un noyau. Une accumulation d’idées en marche. Une liste de livres sur un bureau, avec des antennes au-dehors. Vers Remue, et puis Gracq, et Bailly, et puis Bon, Vasset… Des paysages sur un plateau. Ce départ en dépaysement, je partage, et j’abrite avec joie. Son blog "Mots Maquis", ou là chez D-Fiction pour "Elles en chambre"

/mon texte là-bas

Tiers Livre et Scriptopolis sont à l'initiative d'un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… "Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.".

9.03.2012

Des rencontres,







Des rencontres,


Je n'ai jamais fait auparavant d'atelier d'écriture. Je suis arrivée dans les centres CCAS dans l'idée de proposer cela, chaque fois que possible, afin de passer plus de temps sur place. D'allonger non seulement la durée mais aussi la qualité des rencontres avec les ados. De leur donner la parole, de les entendre.
Je suis arrivée avec mon bagage pour les rencontres : mon livre annoté, marqué de signets, un paquet de marque-pages, du matériel vidéo pour projeter des images. Supports de discussion et d'échanges autour de l'écriture et des thématiques du livre : la ville, la solitude, le paysage urbain, comment nous le voyons, ce que nous en faisons.
Je me suis incrustée dans les tablées de midi pour me faire connaître, prendre le pouls du lieu, sentir les caractères. Les liens, les rapports de connivences, les réticences.
J'ai jonglé avec les emplois du temps des ados, leurs activités. De la veillée du soir à la rencontre du matin. Me rendre disponible. M'installer dehors, ou dans une tente, tirer un câble électrique, tendre un drap-écran, etc.
J'ai pris le temps de feuilleter les bibliothèques, d'en extraire quelques livres dont les textes croisaient mes propres thématiques. De les proposer à lire aux ados pour clore la rencontre sur d'autres voix que la mienne, qui avait suffisamment occupé l'espace.
Chaque jour ils ont dit oui pour lire. M'écoutant, ils ont soutenu mon regard, me rendant cet appui dont j'avais besoin pour m'adresser véritablement à eux. Chaque fois j'ai retrouvé ce soutien, cette belle présence adolescente, intègre. Rarement ils se sont défilés. 
Ils ont parfois posé des questions vives : « Qu'est ce que ça apporte aux autres ? », mais sans malice. Des questions qui révèlent le niveau d'exigence qu'ils ont vis-à-vis des adultes, leurs attentes. Des questions, ou des confidences : 
« Mon frère, il écrit de la poésie ».
J'ai essayé de prendre dans chaque endroit la mesure de ce qui a eu lieu (ou pas), pour réinventer, construire différemment le lendemain.
Je suis arrivée avec mes mots, repartie avec les leurs. Peu d'entre eux dans l'ensemble ont écrit, mais certains ont voulu essayer quand je leur ai demandé une phrase. Une seule. Une phrase-paysage.

« Des nuages entremêlés
cachant un ciel azur
sur la forêt Fouesnant. »

« Dans ce bois, la tempête
chasse les biches, 
fait danser les sapins. »


Certaines phrases me frappent, m'impressionnent, pour de multiples raisons. De leurs qualités, ils ne se rendent pas toujours compte puisque l'âge les meut d'un bord à l'autre, et qu'il est difficile de les saisir, de les arrêter, même un instant. 
Baptiste, qui n'arrivait pas à sortir de son environnement, d’une vie difficile dans un quartier difficile. Baptiste, qui ne disait pas grand-chose, est venu écrire :

« Si la famille
les rapatriements
il n'y a pas de campagne
que des HLM
c'est misère... »


Qu'il ait réussi, après plusieurs essais et recommencements, à énoncer quelque chose comme ça, ça n'était pas gagné. Pour moi comme pour Baptiste il n'y a pas de petite victoire. 
Je les ai remerciés. Suis rentrée en pensant à eux, ces ados, qui sont comme des morceaux de verre. Il faut y regarder sous l'aspect commun, le désinvolte. Il faut y voir le tranchant et l'éclat. 















Tournée Auteur CCAS, centres 15-17 ans, 6-10 août 2012 – V.Gautier « Les Zones Ignorées »