Des rencontres,
Je n'ai jamais fait auparavant d'atelier d'écriture. Je suis arrivée dans les centres CCAS dans l'idée de proposer cela, chaque fois que possible, afin de passer plus de temps sur place. D'allonger non seulement la durée mais aussi la qualité des rencontres avec les ados. De leur donner la parole, de les entendre.
Je suis arrivée avec mon bagage pour les rencontres : mon livre annoté, marqué de signets, un paquet de marque-pages, du matériel vidéo pour projeter des images. Supports de discussion et d'échanges autour de l'écriture et des thématiques du livre : la ville, la solitude, le paysage urbain, comment nous le voyons, ce que nous en faisons.
Je me suis incrustée dans les tablées de midi pour me faire connaître, prendre le pouls du lieu, sentir les caractères. Les liens, les rapports de connivences, les réticences.
J'ai jonglé avec les emplois du temps des ados, leurs activités. De la veillée du soir à la rencontre du matin. Me rendre disponible. M'installer dehors, ou dans une tente, tirer un câble électrique, tendre un drap-écran, etc.
J'ai pris le temps de feuilleter les bibliothèques, d'en extraire quelques livres dont les textes croisaient mes propres thématiques. De les proposer à lire aux ados pour clore la rencontre sur d'autres voix que la mienne, qui avait suffisamment occupé l'espace.
Chaque jour ils ont dit oui pour lire. M'écoutant, ils ont soutenu mon regard, me rendant cet appui dont j'avais besoin pour m'adresser véritablement à eux. Chaque fois j'ai retrouvé ce soutien, cette belle présence adolescente, intègre. Rarement ils se sont défilés.
Ils ont parfois posé des questions vives : « Qu'est ce que ça apporte aux autres ? », mais sans malice. Des questions qui révèlent le niveau d'exigence qu'ils ont vis-à-vis des adultes, leurs attentes. Des questions, ou des confidences :
« Mon frère, il écrit de la poésie ».
« Mon frère, il écrit de la poésie ».
J'ai essayé de prendre dans chaque endroit la mesure de ce qui a eu lieu (ou pas), pour réinventer, construire différemment le lendemain.
Je suis arrivée avec mes mots, repartie avec les leurs. Peu d'entre eux dans l'ensemble ont écrit, mais certains ont voulu essayer quand je leur ai demandé une phrase. Une seule. Une phrase-paysage.
« Des nuages entremêléscachant un ciel azur
sur la forêt Fouesnant. »
« Dans ce bois, la tempête
chasse les biches,
fait danser les sapins. »
Certaines phrases me frappent, m'impressionnent, pour de multiples raisons. De leurs qualités, ils ne se rendent pas toujours compte puisque l'âge les meut d'un bord à l'autre, et qu'il est difficile de les saisir, de les arrêter, même un instant.
Baptiste, qui n'arrivait pas à sortir de son environnement, d’une vie difficile dans un quartier difficile. Baptiste, qui ne disait pas grand-chose, est venu écrire :
Baptiste, qui n'arrivait pas à sortir de son environnement, d’une vie difficile dans un quartier difficile. Baptiste, qui ne disait pas grand-chose, est venu écrire :
« Si la famille
les rapatriements
il n'y a pas de campagne
que des HLM
c'est misère... »
Qu'il ait réussi, après plusieurs essais et recommencements, à énoncer quelque chose comme ça, ça n'était pas gagné. Pour moi comme pour Baptiste il n'y a pas de petite victoire.
Je les ai remerciés. Suis rentrée en pensant à eux, ces ados, qui sont comme des morceaux de verre. Il faut y regarder sous l'aspect commun, le désinvolte. Il faut y voir le tranchant et l'éclat.
Tournée Auteur CCAS, centres 15-17 ans, 6-10 août 2012 – V.Gautier « Les Zones Ignorées »
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