
Entrer dans le jardin comme dans un fruit,
se perdre, dans le mélange des verts : chlorophylle, de gris,
prairie, attendri, translucide, absinthe, sauge, poireau, opaline,
Véronèse, sapin. Les masses volubiles déchirées de grandes
lignes, fusant, obliques. Des tâches d'autres couleurs, claires ou
vives, pointillées, en virgules, en touches irrégulières et étoilées
d'insectes. Quelques noirceurs aussi pour ne pas oublier qu'on peut y enfoncer la tête. Cavités, ramper dans le jardin. Prise dans son
trouble, ses fluctuations. Vertige pour mes yeux
butineurs. Vertige tant il a l'air, à chaque regard, de se refaire.
Une réalité qui n'est pas aussi douteuse que moi-même, que mes
capacités fragiles, perceptions qui s'aiguisent un peu et puis
redeviennent séparées, lointaines. Dire est nécessaire pour
affiner le voir. Monter le voir à la conscience d'une chose : rien,
qui puisse se dénombrer, s'arrêter, se contenir. Rien, dans
l'infinité des formes, des lumières, des couleurs, qui soit
réductible à mon expression. Qui n'ait été mille fois
tenté.
Moi,
verte, dans l'antre du jardin, très près. Les moucherons dans mes
cheveux me font penser aux feuilles triangulaires des bouleaux qui
scintillent, en tournant d'un côté de l'autre.
Le bruissement des trois peupliers, dont la prise au vent produit un son qui enfle à chaque souffle, donne froid. J'essaie de me les représenter nécessaires, et il est vrai que leurs troncs devenus massifs font comme trois pattes d'éléphant, vénérables. Mais, trop hauts pour cet espace d'un demi hectare, et qui devraient plutôt bruisser pour les grandes plaines, les bords de lacs, de rivières, comme ces peupliers de Virginie, d'Amérique.
Le bruissement des trois peupliers, dont la prise au vent produit un son qui enfle à chaque souffle, donne froid. J'essaie de me les représenter nécessaires, et il est vrai que leurs troncs devenus massifs font comme trois pattes d'éléphant, vénérables. Mais, trop hauts pour cet espace d'un demi hectare, et qui devraient plutôt bruisser pour les grandes plaines, les bords de lacs, de rivières, comme ces peupliers de Virginie, d'Amérique.
Verte,
je, dans l'antre du jardin, très près.
Le
temps qu'il faut prendre pour voir. Les jours d'approche et de
piétinement. D'observation où je reste, incapable, sous la coupe
d'une durée. Patiente. À
attendre que le corps trouve un rythme, une échelle, une taille, un
accord enfin.


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