Sortir et installer mes yeux dans le ciel
Sortir pour marchécrire, yeux flottant au risque de vertige, éblouis, cherchant les mots pour dire cette dure lumière, cette splendeur sévère, cette unité plate
Marcher sous ce ciel, renoncer, jouir un instant de cette violence et plisser les yeux, penser avec admiration dévotieuse aux efforts de Ponge, à ses tâtonnements pour dire, dans la Mounine, ce ciel qui l'avait frappé dans un matin sur la route d'Aix, et dont j'aime ce qui est presque le premier jet
Azur à mine de plomb
ce gaz lourd résulte en vase clos
d'une explosion de pétales de violettes bleue
.…..
Son ombre tient toute dans les griffes de son éclat...
Et comme j'avance, en cet hiver, lasse et les yeux blessés, dans le froid intense que le vent nous a laissé en legs avec cette pureté sans concession, comme si avec les nuages et l'humidité il avait emporté toute trace de tiédeur, pour nous laisser dans un vide froidement lumineux, monte la nostalgie des cieux transparents du printemps sur Paris, du soleil humide étincelant sur la pointe de la cité quand je marquais l'arrêt rituel dans l'angle du pont Royal, avant de remonter vers les guichets, qui me faisait presque voir l'air circuler entre les statues de Maillol, mesurer la distance entre les arbres et pierres blanches des Tuileries, creuser le long espace que les siècles ont dessiné.
Finit mon trajet – rentrer se rencogner dans l'antre, laisser la nuit descendre sans en voir la rougeur
Autre jour, s'éveiller à la recherche encore des mots pour dire le ciel de bleu ardent, lapi-lazuli, fabrique d'outremer, clarté autoritaire, air devenu pierre, poussière qui prend feu, violence et os à nu... et penser approximation dérivant en préciosité artificielle
Pousser volets dans un bruit tumultueux de souffles, voir branches se balancer, écharpes noires filer sur les couches de gris sombre, penser mistral noir, trembler d'avance de fatigue et d'effroi, et toutes idées envolées dans ce déchaînement de l'air, s'accrocher à cette seule pensée : que vienne la fin, sans plus savoir laquelle.
Note = la seconde image est une reproduction d'un tableau de Giuseppe Canella conservée au Musée Carnavalet
Très heureuse d'accueillir Brigitte Celerier pour les Vases Communicants de janvier. Ce sont les dérives avignonnaises de Brigitte, sur son blog, qui ont inspiré l'idée du Marchécrire, avec pour projet : sortir, et regarder - dans lequel elle excelle et qui me fut bel exercice. Elle "installe ses yeux dans le ciel", ici, sur le Carnet des Départs, tandis que "je ne sais où regarder".
Mon texte, chez elle, sur Paumée.
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l'initiative d'un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… "Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre". Un grand merci renouvelé à Brigitte Celerier qui assure le Rendez-vous des Vases. Et fait une longue lecture chez elle, sur Paumée.
merci encore une fois pour cet échange
RépondreSupprimer(deux petits commentaires sur votre billet)
encore une fois vous êtes trop sévère avec vos écrits chère Brigitte: je reviens de chez vous, et si le texte de Virginie est très beau, le vôtre ne l'est pas moins! merci à toutes les deux pour ce très bel échange!
RépondreSupprimerah merci Christine ! Oui, je suis très heureuse d'avoir chez moi ce texte de Brigitte
SupprimerBeau texte entre Aix et Paris, je trouve juste que la fin arrive bien vite.
RépondreSupprimer