3.31.2012

Fragments Dansés - Intérieur#2















"espace au-devant, à gauche, à droite
figure géométrique dans la pièce où je me trouve
(presque un carré)
espace que j'enjambe
refuge des heures dévorantes
tout ce que je n'ai pas encore dit, d'elle, de nous sera perdu
ce qui s'efface c'est quoi au juste
parfois on ne voit plus son visage, on ne voit plus son corps, elle a mis devant elle des tissus, des écorces
mais il y a ce que nous faisons réellement, la chose faite
cette exposition à l'inconnu
j'entre dedans en costume de ville
pas comme elle qui a la force d'être nue
presque à chaque fois
on croit qu'on cherche, quand on trouve on ne le sait pas

non loin de moi l'oiseau
d'un seul œil
me guette
connivence de l'œil, de la tête, du bec
il aurait vite fait de piqueter vos matelas, vos coussins, de fendre
d'écorcher
déchirer ce qui recouvre et tapisse, au contraire
quoi que je touche
c'est à peine
j'écarte de moi tout tentation
un brise-lame sur une carte postale
un rasoir
une tablette en verre
un bac à glaçons
un ensemble de couteaux à découper sur un présentoir
c'est toujours pareil, l'enchaînement des nuits, les silences bout à bout
quand je ferme les yeux je vois des chemins pour après
je me souviens d'une maison dans la plaine
sur le pignon nord une fenêtre unique, noire, aspirait le regard
on croyait voir une fenêtre quand c'est la fenêtre qui vous regardait
coller aux vitres, le monde
comme un tissu qu'on écarte
glisser derrière
et dire
qu'il va falloir me remettre dans les mains de la terre
je soupèse chacun de mes pas
je sais ce qu'il en coûte
de rester, de repartir
j'attends
que s'achève le jour, j'oublie
une à une les petites informations
je perds la notion du quotidien
j'additionne les journées passées à ne pas me
rappeler ce qu'il convient de faire
d'être sans traces, c'est ça
la seule possibilité
bien tenue entre mes mains

la chute est un saut en hauteur, basculons les perspectives"

3.28.2012

Fragments Dansés - extérieur

Arpentage photographique bords de Seine, janv.fév.mars 2012










"Filant, filante, ce qui coule sans se diviser et s'allonge en une sorte de fil continu. Mouvement continu de la crête des arbres, balayage des deux côtés de l'habitacle, une vitre, un cadre, la terre telle quelle, ciels."

























L'autoroute est comme un pont suspendu à peine accroché au paysage. Il faudrait passer dessous, traverser des morceaux de forêts, une voie ferrée, un terrain sûrement interdit d'accès tout le long protégé d'un grillage. Pour sortir à découvert au ras du fleuve dans la proximité du remous. Pour atteindre au bout de ce grand dénivelé, l'eau, qui n'est d'aucune couleur sauf celle boueuse de la terre quand le soleil la traverse et qu'apparaissent les grains, les poussières en suspension. Dans ce monde brun où rien ne pèse, où tout flotte et se balance, immobilisé dans un état d'oscillation qu'un rayon de soleil traverse un instant à l'oblique puis quitte. Restituant à la matière son mystère, aux arbres leurs reflets, au ciel le sien qui marque le fleuve d'argenté comme une travée de lumière, une raie au milieu des terres."


"Six voies de circulation entre le roc et l'eau, chaque côté maintenu écarté par des fossés, des glissières, des bordures maintes fois ouvragées, des découpes parfaites, des directions incontournables. L'ourlet de quelques arbres ni tout à fait sauvages ni trop entretenus, la hauteur du talus, les terres en travail brunes blondes ou vertes dans le plat de la plaine, ensemencées de rangées impeccables, dressées, couchées, dessinant des motifs balayés par le vent."



3.10.2012

Extrait




/ Extrait P.36/37

"A force d'obliquer, de changer de direction, il arrive que tu sois totalement perdu, que tu ne saches plus si c'est vers le sud ou l'ouest et dans quel quartier, au milieu de quel ensemble d'immeubles tu te déplaces et qu'importe. La faim te tenaille mais tu sais qu'elle passera. Tu sais qu'à un moment tu traverseras une avenue que tu reconnaîtras, d'où tu repartiras pour t'enfoncer encore parce qu'à quoi bon savoir où l'on se trouve, tomber nez à nez avec cet endroit où l'on fut quelqu'un d'autre, le croire ou se tromper, n'être pas bien sûr, cela a pu changer et encore, toutes les villes se ressemblent un peu.
Tu préfères sans doute éviter des pistes trop lisibles, t'en tenir à l'est globalement, ne pas franchir certaines frontières connues de toi seul, sillonner interminablement comme si l'effort consistait à pénétrer à l'intérieur de quelque chose que tu voudrais découvrir ou savoir ou comprendre.
Est-ce que tu échoues quand tu te retrouves devant ce carrefour où se rassemblent une dizaine de voies, que tu restes debout sur le revêtement gris à bulles marquant l'orée de la chaussée, que tu laisses passer un, puis deux, puis trois feux avant de te remettre en marche comme un somnambule, qu'au centre du croisement encore, sur le terre-plein en forme d'îlot où s'amassent les piétons, au milieu des voitures et des camions, tu restes une fois de plus figé ?”





/Le texte "Les Zones Ignorées", est paru aux Editions du Chemin de Fer, en mars 2010 avec des encres de Gilles Balmet.

3.08.2012

Fragments Dansés - intérieur#1


"Ce qu'il y a de couches derrière la tapisserie
comme si on pouvait éplucher indéfiniment le mur, sa peau
ce qu'il y a dessous
ce geste qu'elle fait
de relever sa robe sur ses cuisses, de montrer
dessous, ce qu'il y a dessous, c'est comme de ne rien cacher et puis
de ne rien découvrir
continuer à chercher
ce qu'il y a derrière
puis derrière "