4.28.2023

Entrer dans l’écriture


Vendredi 28 avril

Sur "Recours à la nuit" (texte en cours)
Entrer dans l’écriture sans préjuger d’une forme, même si, après avoir rédigé plusieurs dossiers de résidence, je craignais d'avoir faussé ces commencements. Entrer dans l'écriture c'est délicat, c'est comme tracer une cartographie à mesure, en se laissant porter, circonscrire en posant des jalons, d’une lueur à l'autre, dans une certaine obscurité. Le même monde mais à côté. De forêt en abysse, les yeux ouverts ou fermés, avec ou sans lucioles, associer des souvenirs, des mots, des idées. Il y a une masse de documents, des films, des textes, les mots des autres. Se les approprier, y faire son chemin. Avancer tâtonner, accepter ce qui vient. À ce stade, il est important de ne pas trop s'interroger, de rester dans le désir, d'entrer de plein pied. 


4.14.2023

Et parfois il n’y a que cet espace


Vendredi 14 avril

Et parfois il n’y a que cet espace du journal pour se donner, au milieu d’une journée de choses administratives, le temps de l'écriture. Dans sa note réflexive une étudiante évoquait à quel point "le travail préparatoire à l’écriture est une forme de méditation à portée de main". Se poser, ouvrir une porte, laisser venir. C’est ce que j’ai fait le week-end dernier lors d'un workshop à Ouessant avec des étudiants des universités de Rennes, Brest et Rimouski dans le cadre de leur projet “Littécriture“. À la rencontre de l’île, j’ai proposé à mon tour de nous empaysager, de partir marcher chacun·e de son côté pour collecter ce qui vient. Une promenade immersive en laissant les phrases monter, comme une petite chanson à réentendre, une voix mêlée au paysage. Ce qui m’a frappé c’est de saisir à nouveau, à travers ce dispositif, l'enjeu d'une prise d'écriture en déplacement. Par l'enregistrement de la voix, les mots captés bout à bout composent une sorte de texte, un pré-texte illisible au moment de la prise de note, un texte potentiel livré à l'audiophone, bricolé au dehors, à même le lieu, entre vent et voix, corps et déplacement. Et tandis que je me désintéressais de mes mots fixés/figés sur le carnet, ce texte mouvant me paraissait plus fascinant, plus juste, mieux à même de saisir quelque chose de l'expérience du paysage.

 

4.05.2023

Il y a, il y a, il y a


Mardi 4 avril

Chaque jour est compté. Il y a ce week-end passé dans le jardin, ce qui s’y construit au fil des années et ce qui s’y rejoue à chaque saison. Les journées y sont si pleines que j’entrevois chaque fois la possibilité que cela soit suffisant pour nourrir une vie complète. Mais ce serait trop simple, bien sûr. Il y a ce grand chantier de candidature qui barre toute la semaine et me cloue assise devant l’écran, le dos brûlant. Il y a ce texte inachevable, qui m’oblige depuis des mois à chercher encore, à chercher plus fort — qui me demande plus que ce que je peux donner, repousse chaque fois plus loin quelque chose, mais quoi, exige l’impossible : poursuivre — l’impossible : arrêter. Un texte piège, j’y suis prise, s’y déprendre, l’envoyer.