1.19.2016

DROP


























Tu te cales dans le train presque entièrement vide

les arbres resserrés, frileux, deux hommes dans les rangées de betteraves, personne
devant la yourte ni autour de la longue caravane
ballast et ballon
feu clignotant
un flocon de neige gravé sur la vitre SECURITE
terreuse la lumière
on se prépare à entrer dans quelque chose qui ressemble
à l'engourdissement
tête basculée, les yeux clos
dormeur devant paysage épuisé
fait et refait, sur-fabriqué
fagots de branches, botte de troncs
tressautement caractéristique du changement de voie
on trouve aussi brassée, brande, fagotin, faisceau quand on cherche après coup
ses mots
pourtant tout continue droit, passe devant : gare de marchandises
frôle : Hébergement de Paris Saint-Lazare
Poste B
répète
phrase après phrase
ce qui se meut devant tes yeux
même s'il s'agit d'avancer
dans un labyrinthe
d'écrire avec ce que tu ne sais pas
encore
un cheminot seul, au milieu des rails
veste fluorescente
drapeau rouge dans une main
comme dans un vieux film
communiste.

1.02.2016

Navette



Le défilement
est un objet que tu fabriques
pendant que le train découpe ton passé
en tranches
relie deux espaces impossibles à
rapprocher
navette : mouvement de va-et-vient dans la largeur du tissu
pièce mobile du métier à tisser ou
récipient allongé en forme de nef 
engin destiné à assurer une liaison entre la terre et les stations
orbitales
il n'y a pas de continuité
tu reviens chaque fois au début, tu demandes
si ce trajet qu'elle fait est un peu à elle
(l'endroit avec des serres
le genre de paysage qu'il y avait quand elle était petite)
les tours, comme des îlots dans la campagne
elle passe dans plein de paysages différents
quand elle sort elle se sent un peu en vacances
et un peu nulle part
ça la vexe quand elle se perd
dentelle où le vide s'empare de la matière
frivolité qui consiste à lier des fils, à faire des nœuds en additionnant des
jours
en Angleterre, dit-elle, on les appelle commutters
les banlieusards
elle regarde le soleil
il y a bien un moment où elle va tomber sur un truc qui correspond à son plan.

Pas un mot, pas une parole



Pas un mot, pas une parole
des V griffés sur le tombant de la fenêtre
une sorte de falaise, le silence est profond et
le monde retranché au loin
derrière des clôtures, des buttes, des fossés
que tu bordes seulement car
longer est une tolérance
nulle traversée qui tienne
chaque ligne t'arrête, chaque arête délimite un espace
où circuler
un couloir entre
les pierres taillées des trottoirs
tirées des carrières
tu regardes, sans rien saisir d'autre
le revêtement mince
les pelouses superficielles
les villes semées sur
les plaines
où ils chassaient l'oiseau d'eau
les carrières converties en étangs de pêche
le paysage tout entier remonté
à la surface et
les hommes comme des bouchons de liège
spectateurs ballotés aux fenêtres
piétons s'esquivant sans savoir
s'arrêter
la violence du train croisé dans l'autre sens
a mordu contre la vitre
tu te recules tu tiens à conserver
ta ligne de
flottaison.


Ouvre la carte




Ouvre la carte de la rue et trace
le temps
que tu mets à traverser
en pensant à autre chose
invente
une calligraphie attachée-détachée
ne s'appliquant à aucune
direction exacte
car la carte est ouverte et bouge
en même temps que toi
dans ces pas qui firent le mot passant, le mot passerelle
le mot passage
tu peux marcher dessus pour ajouter aux autres ou bien
battre les cartes, tout
recommencer
sans les infos trafic navigation
applications ad hoc
tu peux vouloir, d'ailleurs tu veux pouvoir
douter ou
demander ton chemin
ou même

changer d'avis.