4.18.2017

J14 Un mauvais geste

J 14 — Un mauvais geste. Bloquage du dos le lendemain de mon arrivée, chaque pas sur le sol est devenu douloureux. Je regarde les gens circuler, plus aucune évidence de mon côté. Pourtant, il y a devant la maison où je dors un petit banc au soleil, bien placé, au-dessus duquel les oiseaux se cherchent et se bagarrent. Je pourrais y lire, m'y poser, regarder tomber les pétales de camélias. Le mantra de l'étiquette de mon sachet de thé tente une consolation : vous êtes illimité. Mais je ne peux pas me résoudre à être tenue hors de ce va-et-vient d'hirondelles, d'insectes, de chiens, des habitants, hors cette activité de ruche. Quelque chose raconte que ça y est, que je reviendrai une autre fois, qu'il faut rentrer. 


4.15.2017

J13 L'approche

J13  L'approche est délicate, c'est dedans ou dehors, pour entrer il faut bien choisir son carrefour. On entend le bruit de petit marteau d'un pic contre un arbre, plus tard une tronçonneuse, un coq, puis on y est. On pose son sac, on épluche des légumes, à un moment on vous sert un café-pot de fleurs. Ça n'est pas si facile un aboutissement. 
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4.14.2017

J12 au levé du jour

J12 — Au levé du jour le soleil gomme le pont je quitte la ville en train / parcours dénivelé sur une arête rocheuse, usine thermique à l'horizon, il faut passer plusieurs fois sous les grésillements des lignes haute-tension / fin de journée : de dépit supplié en anglais le énième chien qui aboyait à mon passage, il a arrêté tout de suite / demain j'arrive. 
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J11 (habiter, habiter)

J11 — (habiter, habiter) Contrairement aux maisons de bourgs contenues derrière leurs façades,  dans les lotissements les façons d'habiter s'exposent. Jardins où le vide (un désert) vaut souvent pour un ordre, où la symétrie est la seule organisation possible. Rarement un laissé-faire, un fouillis salvateur. 
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4.13.2017

J10 Croisé un homme

J10 — Croisé un homme qui s'intéresse à mon trajet et me souhaite bien du bonheur - c'est exactement ça. Flotter et faire de ce flottement une solidité. Bouger et faire de ce mouvement une façon de demeurer. 
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4.12.2017

J9 Collection de chemins

J9 — Chemin de terre, les pierres lissées par nos suites de pas. Chemin sur les épines,  entre les troncs de pins et les chants d'oiseaux. J'associe les cordes à nœud des racines que j'enjambe et les muscles qui se nouent dans mon mollet gauche. Chemin moelleux au milieu des chaumes, que je tutoie. Maquis d'ombelles, je me retourne pour te voir sous toutes les coutures et ralentir le temps de te dépasser. À la fin de la journée j'en ai eu tant, j'en ai eu trop et pas assez, au moment de fermer les yeux, j'aspire encore à retracer tes  lignes fines. 
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4.10.2017

J8 Matinée difficile

J8 — Matinée difficile sur fond sonore routier, je ne trouve pas le marquage du sentier, je fais plusieurs fois demi-tour. Dans le chemin des bois, enfin, le sentiment d'être seule, tranquille. Ralentir, prendre son temps, manger sur des aiguilles de pins, croiser une biche (la faire sursauter). Une biche pour récompenser tes détours, il dit. Il ajoute, ça se mérite une biche. Alors oui, puisqu'on porte cette attention, puisque tout ce qui apparait devient un évènement, le hasard aussi, c'est tentant de l'interpréter. 
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J7 Faire une pause

J7 — Faire une vraie pause au milieu du voyage avant de repartir, de replonger dans l'itinérance. Avancer au jour le jour, la solitude première, l'effort physique, les soirées partagées - à chaque fin d'étape des accueils formidables. 
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4.08.2017

J6 Spectacle pour tous

J6 — Spectacle pour tous, ce petit piéton en sac à dos qui marche à rebrousse poil entre la route et le fossé. Les chiens n'aboient pas contre les vélos qui sont pour eux des véhicules mais contre les piétons qui sont des personnes. Sur le bas côté je trouve un petit Cadere (André, artiste marcheur), le plante au pied d'une pancarte, oublie de le photographier pour la série “sculpture spontanée”, hésite à faire demi tour, abandonne : trop chaud, trop tard, trop fatiguée, trop de voitures. 
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4.07.2017

J5 Stellaires

J5 — Stellaires, pissenlits, bouteille d'eau, bouteille en verre, carton de bière, canette de Heineken, une autre, une troisième, un groupe d'orchis de pentecôte, canette de Kronenbourg, une bouteille de cristalline, papier de chocolat Milka, chuintement de lézards dans les feuilles, paquet de Fumer Tue,  un blister transparent, les marguerites sont en boutons, sac “pain de mie complet” : entrée de bourg. 
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4.06.2017

J4 Pays antique

J4 — Pays antique où il a plu des boulets, des rondes-bosses, des noyaux, des coquilles, des rotules de granit. Pourtant cet affleurement m'est doux, je voudrais m'allonger dessus et n'en plus bouger. 
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4.05.2017

J3 Marcher longtemps

J3 — Marcher longtemps vers une cloche, un bruit de marteau sur du métal, en s'enfonçant dans l'anse (trois bateaux couchés / un héron) puis virer en épingle à cheveux pour se sortir de là par l'autre rive. 
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J2 Passer devant

J2 —  Passer devant les grandes demeures fermées en suivant l’ourlet du sentier côtier plusieurs fois replié sur lui-même. La marche est un mouvement déroulé au ralenti. 
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J1 Pendant /après

J1. Pendant/après, quand la route fait un coude ça donne une bonne idée de l’équation distance-durée. L'échelle du paysage mesurée à la largeur de mon pas. Dernière heure du premier jour, le monde se reprend dans les intervalles entre les passages des voitures. Mon corps, lui, est rassemblé dans l'articulation jambes-hanches. 
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