3.26.2015

Autour du lac #23 24 25


/ En résidence avec l'association L'esprit du lieu, au lac de Grand-Lieu (44)
Carnet de résidence


Lundi

Salon du livre de Paris au milieu du calme de Grand Lieu. Décalage des temporalités, des rapports. Plaisir de retrouver Anne Savelli, qui m'a précédée au lac, pendant quelques heures. Du tourbillon je note celui des livres ramenés : N47, Maël Guesdon, Antonio Moresco, Philippe Annocque, Alejandra Pizarnik. Programme des jours à venir : lirécrire.



Mardi

Du temps à pleines mains, du temps continu. Ce qui arrivera après je ne le sais pas. Entièrement à ce qui s'est déposé là : du lieu, d'enfance, de mythe et cette question de la séparation de laquelle j'arrive peu à parler, sauf à dire avec les mots des autres : "Nous ne sommes pas séparés de la vie au milieu des buissons et des choses communes" Henry Bauchau. "Je sens la peau de l'air, et pourtant nous demeurons séparés" André du Bouchet. 
L'artiste est peut être celui qui cherche à retrouver l'unité de l'enfant avec le monde, à réduire la séparation. On dit aussi : faire corps.




Mercredi
De l'imprévisibilité (les anguilles du lac viennent de la mer des Sargasses)
Dernière navigation avant le départ, dans les roselières, la terre flottante des levis. Sol mouvant sur lequel poussent des arbres, d'où décollent des oiseaux, canards et grands échassiers, où se cache un jeune sanglier. Est ce qu'on sait tout du lac ? Or ici plus fortement qu'ailleurs il semble que cet enchevêtrement du vivant, de la faune et de la flore, du climat, des amonts et des avals, des lointains et des replis, que toutes ces alliances et ces combinaisons sont en partie inexpliquées et restent imprévisibles. Je ne sais dire combien cela me rassure.

3.22.2015

Autour du lac #19 20 21



/ En résidence avec l'association L'esprit du lieu, au lac de Grand-Lieu (44)
Carnet de résidence


Jeudi
Je me suis assise sur l'unique banc devant le lac pendant une heure, et j'ai pris des notes sur les gens qui arrivaient, leur façon d'appréhender le site. 
En rentrant j'ai pensé à cette part documentaire, dans le dessin comme dans l'écriture. Je crois qu'elle a à voir avec ce mot de relevé : action de noter la configuration, la disposition, c'est à dire une notation à partir du réel qui inclut la notion d'espace. 
Dans "Les Yeux Fermés, Les Yeux Ouverts" j'avais écris : poser un cadre et laisser les choses entrer dedans. Le cadre peut être tour à tour un point de vue, un lieu, une durée. Reste l'importance de cette conduite dans le travail.






Vendredi
L'espace qui appelle l 'autre

"Penser territoires c'est mettre en avant des relations de proximité, des voisinages, des solidarités, c'est imaginer un monde tissé de ressemblances et d'analogies."

Ce que, lisant cette citation de Jean-François Chevrier, je voulais montrer hier soir à la médiathèque de Pont Saint Martin, avec Mathilde Roux, son travail, c'est à quel point ces croisements nous font avancer justement parce qu'ils nous déportent légèrement en dehors de nous-mêmes.

©collage M.Roux "Territoires"








Samedi 
Nous allons saluer le lac tous les trois avant le départ de Mathilde. Au bout c'est un baptême de l'oeil. Les grandes aigrettes par deux font des cercles larges qui nous englobent. L'eau est une grisaille dans la continuité du ciel, un vide où s'arrêtent les corps. 
Un promeneur dit à ses compagnons "c'est l'arbre où on s'arrête"
Cet arbre où
fin des terres
réserve d'espace
on ne saurait fouler au-delà

3.19.2015

Autour du lac #16 17 18

/ En résidence avec l'association L'esprit du lieu, au lac de Grand-Lieu (44)
Carnet de résidence




Lundi
Soleil dans le visage, je ne regarde pas dehors mais j'entends les oiseaux, bouquet de jonquilles sur le bureau, un livre d'Antoine Emaz, les carnets, l'ordinateur. L'adéquation du dehors (ce que j'en vois) et du dedans (ce que j'en sais). C'est ici à nouveau que ça s'écrit, que ça continue, dans le lieu retrouvé du texte.







Mardi
Je surprends un chevreuil, jeune mâle frottant ses bois contre un tronc d'arbre. Il me surveille mais poursuit son ouvrage. La coulée de novembre est toujours là, le passage encore largement emprunté. C'est à ce passage que je pensais cet hiver, en parlant du sentier ouvragé (dentelle de ronces et de branches) que le chevreuil referme derrière lui. Il le referme parce que l'animal sera toujours à distance, toujours dissimulé, plus silencieux, plus rapide, plus agile.




Mercredi
Suivre la route rouge jusqu'à l'arbre en fleur. 
C'est comme une amorce, une préparation.
Après le virage je suis happée par la forêt, les bruits, les profondeurs, les échappées d'oiseaux qui font se retourner et ma déambulation est emportée, inégale - "... or le corps et la tête ne cessent de lier, relier ce qui est à tout ce qui a été, pourvu qu'on veuille bien suivre cette traînée rouge qui fuse du présent. Un fait n'est jamais singulier : s'il touche c'est qu'il est épais." (Antoine Emaz, "Lichen encore") - forêt dans laquelle me reviennent en mémoire vos paroles de mardi, la façon dont les livres vous accompagnent, les émotions qu'ils produisent - s'ils touchent c'est que vous avez fait de la place.

3.09.2015

29 sans ponctuation

Sans ponctuation le sifflet de l'air par la fente du velux. Un fil déroulé, une parole claire.

Repartir

Repartir dans une semaine au lac de Grand Lieu
avec un texte à finir
une série de dessins
des rencontres projetées
avec un atelier d'écriture à mener au bord du lac, nos livres, nos textes, nos voix, nos sandwichs
avec vous
avec les bibliothécaires qui ont suivi et porté le projet depuis le début dans les médiathèques
avec Arnaud de la Cotte, directeur artistique de l'association L'Esprit du Lieu
avec les échos, sorte de réverbérations dans le paysage, d'Anne, de Delphine, de Sylvain
avec Camille et Gregory chargés de leurs appareils de photo
avec Mathilde Roux, auteure et plasticienne, qui mêle textes et cartes en territoires poétiques 
avec Nathanaël Gobenceaux, auteur qui pratique l'écriture du carnet de voyage, la notation géographique à la fois documentaire et poétique, et le dessin
repartir dans une semaine, faire des piles, ne rien oublier
se demander ce que ça peut bien vouloir dire être prête, si c'est ce juste dosage de préparation et d'oubli, d'engagement et d'abandon à l'instant
avec grande hâte de vivre ces rencontres, qu'elles nous embarquent sur de nouveaux lacs inventés par nous pour le moment, le lieu, la soirée.

3.02.2015

28 mais non aucune

Mais non aucune humidité, la seule sécheresse des coups de chien, des digues de béton, des butées.

27 la ligne de chemin de fer

La ligne de chemin de fer qui traverse Rostronen me fait penser à vous, Danielle, vos Dire partis de là, enfuis, échappés.