4.14.2023

Et parfois il n’y a que cet espace


14 avril 2023

Et parfois il n’y a que cet espace du journal pour se donner, au milieu d’une journée de choses (documentaires, administratives) le temps de l'écriture. Dans sa note réflexive une étudiante évoquait à quel point "le travail préparatoire à l’écriture est une forme de méditation à portée de main". Se poser, ouvrir une porte, laisser venir, c’est ce que j’ai fait le week-end dernier lors d'un workshop à Ouessant avec des étudiants des universités de Rennes, Brest et Rimouski dans le cadre de leur projet “Littécriture“. À la rencontre de l’île, j’ai proposé à mon tour de nous empaysager, de partir marcher chacun·e de son côté pour collecter ce qui vient, une promenade immersive en laissant les phrases monter, comme une petite chanson à réentendre, une voix mêlée au paysage. Ce qui m’a frappé c’est de saisir à travers ce dispositif l'enjeu d'une prise d'écriture en déplacement. Par l'enregistrement de la voix, les mots captés bout à bout composent une sorte de texte, pré-texte illisible au moment de la prise de note, texte potentiel livré à l'audiophone, bricolé au dehors, à même le lieu, entre vent et voix, corps et déplacement. Et tandis que je me désintéressais de mes mots fixés/figés sur le carnet, ce texte mouvant me paraissait plus fascinant, plus juste, mieux à même de saisir quelque chose de l'expérience du paysage.

 

4.05.2023

Il y a, il y a, il y a


Mardi 4 avril 2023

Chaque jour est compté. Il y a ce week-end passé dans le jardin, ce qui s’y construit au fil des années et ce qui s’y rejoue à chaque saison, les journées y sont si pleines que j’entrevois chaque fois la possibilité que cela soit suffisant pour nourrir une vie complète. Mais ce serait trop simple, bien sûr. Il y a ce grand chantier de candidature qui barre toute la semaine et me cloue assise devant l’écran, le dos brûlant. Il y a ce texte inachevable, qui m’oblige depuis des mois à chercher encore, à chercher plus fort — me demande plus que ce que je peux donner, repousse chaque fois plus loin quelque chose, mais quoi, exige l’impossible : poursuivre, l’impossible : arrêter. Un texte piège, j’y suis prise, s’y déprendre, l’envoyer.


3.22.2023

Élasticité du journal


21 mars 2023

Élasticité du journal, je crois que mon temps est ailleurs, plus souple, distendu, temps vécu qui fait des boucles d’une chose vers une autre et c’est mieux qu’il en soit ainsi puisqu’on est toujours entre mille et un morceaux qu’il nous faut sans cesse recoudre — temps en pièces détachées, est-ce cela le travail du récit : recoudre ? Ces derniers jours, le temps de la “rencontre” avec Barbara Glowczewski raccommode 1999 à 2022 ; tandis que celui autour de l’oeuvre de Francesca Woodman en préparation d’une lecture à Douarnenez me fait me retourner vers 2012, 2014, 2020 avec le bel article de Sabine Huynh qui commence par « un livre qui hante ». Ils s'écrivent si lentement et longuement, mes livres, j'espère qu'ils hantent un peu, en tous cas ils m'habitent tous ensemble parfois comme un seul texte, si bien qu'il y a souvent un fil de phrase qui traîne et finit par ourler un livre à l'autre. En lecture il s'agit pourtant de réactiver un présent propre au texte, quelque soit l'époque où il fut écrit : à Rochefort-sur-Loire, un an déjà après la parution de Vers les terres vagues ; à Douarnenez, huit ans après celle de Les Yeux fermés, les yeux ouverts. Gerry Badger écrit que chaque autoportrait de Francesca enferme un petite pépite de temps et d’espace (a little nugget of time and space) — ce temps long d’exposition qui floute la silhouette est celui qui fait trace puisque, finalement, « le passage est ce qui reste ». Susan Howe, elle, note dans Mon Emily Dickinson, cette phrase qui me plait beaucoup et qui est peut-être le contrepoint de l'idée précédemment formulée — mais elle permet de faire de ce passage même du temps un objet de la poésie : « les liens entre les choses que rien ne relie constituent l’irréelle réalité de la Poésie ».



2.24.2023

Trois semaines sans voyager


24 février 2023

Presque trois semaines sans voyager. Un autre rythme s’installe, de nouveaux espaces s’ouvrent, des choses se déposent. Je prends le temps de faire la route vers Brest, le temps des amitiés. Le temps de me soucier du site et de boucler un nouveau dossier de résidence, pour un lieu associatif, rural, ce qui permettrait de lancer l’écriture du projet Recours à la nuit dès le premier semestre 2023. Ici en ce moment ce sont plutôt des formes courtes, une page pour la revue Gare maritime de la Maison de la poésie de Nantes, un article en cours, à quatre mains, pour la revue de Sciences Humaines, ¿ Interrogations ?, sur le croisement arts et SHS autour de « Déplis ». Puis cette semaine, faire des allers-retours, rouler, rouler, jongler avec une seule voiture. À cause des déviations prendre les petites routes, des traversées de paysage, des balades de l‘oeil glissant à la surface des choses. Un regard vers la mer au passage, un regard vers chaque maison que j'aime, vers chaque arbre repère. J'ai fini Le Dossier Sauvage (P.A., 2019), qui m'a laissée un peu sur ma faim — comme si les éléments documentaires qui commencent à s’articuler entre eux étaient laissés en suspens dans leur entrecroisement même, dans le nouveau sens qu'ils pourraient prendre. Est-ce parce que dans cette juxtaposition de citations le “je” reste en retrait, ne met pas vraiment en jeu un sujet qui pourrait nous faire toucher du doigt, derrière la compilation, un cheminement de pensée, en tous cas sa propre nécessité ? C'est un livre court, un peu sec. Il y a néanmoins des sujets et des formes qui me touchent chez Philippe Artières dont je veux poursuivre la lecture avec Le Peuple du Larzac, sur la pile.


2.09.2023

Paris-Grenoble-Quimper

  
9 février 2023

Du 04 au 07, Paris-Grenoble-Quimper. Déménager M. et profiter de quelques balades dans les montagnes : Chartreuse, Belledonne, plaisir de marcher dans une couche de neige fraiche en écoutant le poids de ses pas, la consistance du son, de la matière — avec l’impression que cela, le froid, la neige, est déjà devenue chose rare, infiniment précieuse. À l’arrêt le silence de la montagne est un cadeau qui nous ravit. Au retour, attendre une réponse de résidence qui ne vient pas et devient au fil des jours présage d’un avis négatif, je me demande s’il faudra ajourner le démarrage du nouveau chantier d’écriture, au moins jusqu’à l’automne 2023, ou bien trouver moyen de l’engager ici, maintenant, au milieu de tant d’autres choses. Des fragments de textes en cours, l'idée d'une reprise du travail théorique de la thèse, plusieurs ateliers d’écriture, les mémoires de quelques étudiant.es à l’université avec l’espoir d’un nouveau contrat à temps partiel pour l’année prochaine... Ayant passé en revue les rayons “Amérique du sud” de la Bibliothèque Universitaire, j'ai retrouvé l’écrivaine dont je recherchais le nom depuis des mois, Clarisse Lispector et emprunté La Passion selon G.H., ce livre, comme un tunnel.
 

1.27.2023

Reprendre ce journal


27 janvier 2023

Du 23 au 27, reprendre ce journal, écrire vite, sans trop réfléchir. Je n’ai pas été à la gare de Joigny, je n’ai pas passé quelques jours à la "Maison Composer" chez l'amie Ann, trop d'encombrements, c'est partie remise. Rentrée par le dernier train du lundi soir après le séminaire d’Héritages, l'UMR à laquelle je suis associée comme chercheuse, pour une petite semaine à la maison. Janvier est presque achevé, les deux années de la recherche-action “Déplis” à Dunkerque quasiment derrière moi, je sens que s’ouvre une petite vacance avant nouveau projet d'écriture pour lequel j’attends réponses de résidences. Je tente donc de démarrer également ces “Écrits Critiques” auxquels je pense depuis un moment, et dont j’aimerais qu’il prennent la suite du travail éditorial. Sans réfléchir, mais certainement pas au hasard, j’attrape Manon, Provisoires, la barre est haute, j’y travaille les fins d’après-midi. Mais auparavant je m’offre des temps de lecture conséquents pour finir les essais en cours : À l’est des rêves (N. Martin) puis Vivre avec le trouble (D. J. Haraway). Et sortir, le soleil m’attire, marcher, travailler au jardin, je choisis le jardin, plante, fauche, un peu plus d’une heure à chaque fois, le temps est frais mais beau, grand plaisir.


3.21.2022

Parution de "Vers les terres vagues", aux éditions Nous


M'approprier des routes, des distances, un ciel, une campagne, m'y inscrire littéralement. Embarquer corps, texte et paysage dans un même mouvement, il n'y a de vrai que cette tentative.


Le 4 mai 2022, une rencontre est prévue au Lieu Unique à Nantes, à l'invitation de la Maison de la Poésie dans le cycle "De la poésie comme écologie", avec l'anthropologue Barbara Glowczewski.

> Écouter la soirée sur Yeuse Radio