7.09.2013

Tu peux danser



















Le monorail de Wuppertal passe à 8 mètres au-dessus de la ville, 12 mètres au-dessus de la rivière. Tu as largement la place. Tu peux lever le bras en forme de crochet, d'arceau, y nouer l'air avec le ciel, le métro. 
Tu peux danser sur le terre-plein sous le Schwebebahn pendant que les voitures circulent autour de toi, freinent à peine, qu'on s'interroge.
La forêt aussi est un protagoniste. Elle veille sur les hauteurs. 
Tu danses, tu dis que tu es. 
Crier, aguicher, donner et reprendre, c'est cela être. 

Est-ce que c'est de la danse, est-ce que c'est du théâtre ?

Il s'agissait de reconstruire la ville détruite.

Tu continues ce geste d'attache. 
Comme sur la pierre la mousse. Patiemment. Le lieu fait irruption.

Terre-plein, un rond-point, un carrefour. 
Un endroit où. 
Se mouvoir et s'émouvoir sont une même chose.

La ville aussi est un protagoniste.




Photo extraite du film "Pina", de Wim Wenders

6.25.2013

Tout s'oppose, rien n'est séparable


Vous êtes assise dans le champ entre les immeubles. A même la terre. Vous avez dégagé une place, piétiné quelques herbes revêches autour de vous. C'est une installation temporaire, vous allez repartir. L'espace est vacant, il est inoccupé. Espace approximatif, mal déterminé, où se perdent les regards. Et il est vrai qu'autour de vous, ce sentiment quasi océanique ― les herbes oscillent comme des vagues en mouvement d'ensemble ― n'est arrêté que par des murs ou une façade d'immeuble, enfoncés dans la végétation profuse, printanière. Nous sommes le 929ème jour du voyage, à Narva(1), en Estonie, tout près de la frontière Russe. Une femme est assise dans les herbes, avec ses enfants, pour un pique-nique le temps d'un après midi.
Terrain vague.
Temps vacant.
Endroit privé de quelque chose qui par son manque nous fait gagner autre chose. 
Retrait plutôt que privation. Hors la dynamique urbaine d'habiter, de sécuriser, de produire. Un trou dans le présent productif. Etendue de promesses au milieu desquelles vous vous êtes amarrés.

C'est une ville, tout s'oppose, rien n'est séparable.

The urban order calls to the indefiniteness of the terrain vague(2)
L'ordre urbain lui-même appelle l'indéfinition du terrain vague.




(1) PHOTOS - Voyage d'Olivier Hodasava sur http://dreamlands-virtual-tour.blogspot.fr  vendredi 25 janvier 2013, 929ème jour. Merci à lui.

(2)"Terrain Vague" - Un texte d'Ignasi de Sola-Morales, architecte.


6.03.2013

Demain n'est pas la suite d'hier


A Berg C'hour* les bénitiers attirent le soleil dans leurs nacres sous les porches des basiliques. Remontés ruisselants du fond des mers, c'est l'avantage de la côte. Les murs ont la couleur d'ardoises effritées, gris-bleu nuit rongé comme seul fait le temps quand il s'allie aux choses du climat. Vent de l'ouest et tempêtes de mer. A Berg C'hour les mouettes font les poubelles pendant qu'air ronge les murs. Pour les mouettes tout le monde le sait, en est sûr. 
Je passe un jour ou deux sous une tente qui démultiplie le bruit de la pluie – à tout prendre et en guise d'eau j'aurais bien vu celle des vagues. Jusqu'à ce qu'un matin un éclat du soleil sur un carreau de camping-car rebondisse dans ma chambre d'hôtel. Rez de chaussée. Ouverture entre deux nuages. Berg C'hour s'éveille. Me tire une fois de plus vers la mer de laquelle il n'offre rien d'autre qu'une forêt de mâts. Promesse, ou tentative. J'écoute des cliquetis qui me rappellent ma préférence pour les ports. Y dormir plutôt que dans les coques des navires. Le chant des drisses à l'appui de la terre. A Berg C'hour le vent me déporte en arrière.
En arrivant je prends la photo d'une flaque de boue dans un nid de poule parfaitement circulaire.
En arrivant je fais le pépiement d'oiseau sur un parking en pensant à une gamine qui danse à Wuppertal. 
Ma légèreté est réellement borderline.
Une statue de Napoléon désigne l'endroit du doigt, va ! avec ta petite mallette d'outils bricoler quelque chose qui est plus grand que toi. Tant pis pour la promesse tardive des vagues, l'océan délié. J'ai la silhouette des yuccas en ligne de mire. Les pontons. La cité de la mer et l'exposition. 

Les garçons aux cailloux qui m'ont fait revenir en arrière, même si je me retourne, je ne les verrai pas. Berg C'hour ne sera plus jamais comme cette fois, un détour, ouverture entre deux nuages. Même si je me retourne. Puisque demain n'est pas la suite d'hier, tout le monde le sait ça, le sait bien.

5.25.2013

Générateur universel de fictions





















Contal*  Vides  Vauvy  Oupour  Bever  Bois  Ellan
C'est une ville, on s'endort quelque part.

Le ciel change de couleur et la nuit s'impatiente. Qu'un peu de jour, n'importe quoi, s'allume. 
Une entaille, une trace, un halo. Que quelque chose se pointe. 
Une lune. Quelque part un cri. Que ça aille plus vite. 
Qu'on se lève enfin. La lumière. Qu'on se lève.

Toute la nuit le rectangle d'une fenêtre palpitant dans la chambre.
Au matin la vitre coulissante, le cadre plus petit.
La poignée différente.
Les vibrations des camions dans la rue se sont tues.

Qu'on se lève, enfin, qu'on se lève.


C'est une ville, on s'endort quelque part. 
Nicasy  Lanles  Vimame  Aubône  Oilont  Rnent  Puynord
On se réveille ailleurs. Ne sachant pas. Au carreau. Ce qu'on va découvrir.


5.13.2013

Estampage




Quand ils viennent avec de grandes plaques qu'on appelle des pochoirs, imprimer sur les murs toutes sortes de plantes de la famille des lianes, lierres, ligneuses, grimpantes - feuilles de fougères en crosse - qu'ils répètent l'opération tout le long du boulevard, déplaçant aussi le pochoir du bas vers le haut afin que la plante croisse - quand le sol en devient le rhizome, qu'on marche ainsi dans l'arborescence, 
c'est le concept du jardin-jardin 
dans les murs.

C'est une ville, elle abrite une quantité de jardins


5.03.2013

Broderies - vase de mai avec Mathilde ROUX


©Mathilde ROUX "Territoires"
          FAIRE
          C'est une ville, elle est parfois occupée à effacer ses traces. Elle s'active. Elle ne voit 
          pas que ce qui est fait est fait, laisse toujours une marque, enchâssée sous nos pas. 
          Empreinte, tache, sillon, piste, cicatrice, lézarde, brèche, passage, trou. 
          Là où c'est lisse c'est louche.
          Même dans une ville nouvelle, une ville modèle, une ville pionnière, une cité idéale.

Je marche dans la ville neuve de ce corps d’aujourd’hui debout sur son hier.
Je m'articule dans le corps monumental, fractionné et changeant d’une ville qui ne me connaît plus à l’instant du carrefour.
Je pose, je marque, je pousse plus loin, je pèse à peine, j’avance à la jointure de nos deux corps sortis de terre, de nos deux corps construits dans l’idée d’un peu, d’un peu durer.
J’avance sur l’étendue, j'esquisse un passage, j'écris pas à pas une histoire de déplacement.
Je marche dans le corps du texte la ville bordant mes marges.

          FAIRE
          Une ville exemplaire, un cœur de ville, une ville musée, une ville fantôme.
          En août 41 dans la cité Muette on écrit. On ne peut pas parler. On écrit son nom, une date, quelques mots
          dans les murs, derrière les carreaux de plâtre, dans les contres cloisons des chambres. 
          Ils sont là les graffitis. Derrière la tapisserie, le meuble, la télé.
          ET DEFAIRE
          Séparer le dessus du dessous. Ecarter les différentes strates pour voir. Les traces effacées, les traces qui 
          restent. Effarée tu marches. 
          Les choses sur ton passage se soulèvent. 

DESSUS DESSOUS
Une ville – comme une vie - peut en cacher d’autres, des villes englouties par la façade, le flux normé, le bruit du dernier cri, la faculté d’oubli, des villes qui en ont trop vu si on peut trop voir trop voir et ne rien dire et rester là et calfeutrer absorber rénover et ne plus vouloir savoir d’où l’on vient, de quel silence.
Je marche dans cette ville.
Je marche comme une autre.

         Voici le revers. La coulisse où s'échangent les couleurs, où s'enracinent les motifs. Les subtiles 
             frondaisons. Vois, chaque endroit où tu poses tes pas, piqué, surpiqué, rendu visible. 
             Chaque arrêt, une étoile fleurissant sous ton pied. 
             Chaque demi-tour, une racine nue, un filament, derrière toi, délacé.
             C'est une ville, c'est une tapisserie. 
             Une broderie, un écran de fumée, un rideau à soulever.

LIEU D’Y REVENIR
C’est une ville-texte. Je marche dans la trame du récit.
Avenue du Drapeau, rue des Dragons, place de La Comédie, rue de l’Aiguillerie.
Est-ce que chaque mot compte ?
Rue des Soupirants, Avant Port, rue Puits Creusés, Grand Rond, rue des Lois, rue de la Chaîne, boulevard de Trèves.
Est-ce que les mots peuvent propulser, cimenter ?
Boulevard des Fusillés, chemin du Halage. Citadelle, Arsenal, Hôpital.
Rue du Pont Naturel, cimetière, rue du Manège, Porte du Miroir, rue des Bonnes Gens, rue de l’Espérance, cité administrative, rue du Siphon, rue de Mon Désert.
Chaque mot a t-il un lieu pour être ?
La Pépinière, rue du Champ des Oiseaux, entrées parking souterrain, gare d’État, rue aux Juifs, rue du Gros Horloge.
Place du Champ de Foire, avenue de la Révolution, rue du Grand Treuil.
Palais de Justice, prison centrale, rue de l’Écluse, rue des Bouchers, parc zoologique, rue des Héros, rue des Vertus.
Rue des Eaux Claires, Cours de la Liberté. 

         Cité Doré. 
             En 1849 les chiffonniers construisent sur terrain vacant leurs maisons. Cabanes aux toits de carton 
             bitumés, chargés de terre, sur lesquels sont plantées clématites, capucines, volubilis, qui fleurissent au 
             printemps. Les toits cèdent aux pluies d'automne. Sont remplacés par du fer blanc. 
             A REFAIRE 
             Avec rebuts, résidus, copeaux, débris, déchets, détritus, ramas, reliques, restes. 
             C’est une ville, elle cherche ses délimitations ailleurs. 
             Elle vibre, palpite. Elle est faite de piétinements, d'allers et de retours. De constellations qui s'éloignent les 
             unes des autres et se resserrent. Qui bougent. Elle hésite, se déplace, touche à tout. 
             Elle est au bord de la lumière et au bord de l'obscurité.


C’est une ville-parcours pour s’y retrouver, un rébus un réseau un tissu vivant.
Chaque mot pourrait compter si on savait, si on ne gâchait pas tant. Chaque mot perce une voie, élève, raccorde, aligne, recoupe, soutient, enfonce, chaque mot ou son contraire est embrasure, voûte, balcon, tuyau, segment, tour, tranchée, palier, passage commun. Avant-corps et arrière-corps du bâtiment. 
En août 40 dans une ville où je n’ai pas vécu les lourdes pierres de la bâtisse assourdissaient à peine les battements des cardeuses bourdonnements du renvideur sons saccadés de la doubleuse des tricoteuses qui extrayaient étiraient enroulaient et tressaient les fils sous l’œil attentif de celui qui serait un jour le père de mon père. Je n’ai jamais entendu sa voix.
J’avance mot à mot dans la ville à écouter, à inventer, la ville à faire sienne tout du moins assez pour la partager.


          ET RECOMMENCER
          Traces d’anciens chemins dont il ne reste que pointillés sur la carte – exotiques.
          Traces de passages marqués au pli des herbes, aux torsions des grillages, qui ne sont pas répertoriées. 
          Campements, qui ne sont pas définitifs. Se posent, se déplacent, se raccordent aux flux nécessaires. 
          Inquiètent toute l’ordonnance du paysage. 
          C’est une ville promenée, ici, ici et là – même de force.
          Verte, utopique, ancienne, du futur, ouvrière, moderne, mobile, parfaite, numérique, globale, virtuelle,    
          engloutie.
          A recommencer.



Echange stimulant, en forme de dialogue, avec Mathilde Roux ce mois-ci. Tissage de mots dessus dessous, pour être lus, pour être dit, autour de nos territoires littéraires et plastiques. Tout s'enchevêtre. Je lui prête dessin, elle me prête collage, et que dit ce collage ? que ce (tout) n'est qu'un fil qui court. Oui. Nous tirons, avec Mathilde, sur ce fil, qui se dévide longuement. Nous emmène chez elle, parmi ses quelque(s) chose(s), qui sont beaucoup de choses : textes, images, sons et articulations. Tirons plus fort, pour voir de Mathilde, ici, ses cartographies, ténues et précises, poétiques. Ce qui se brode encore chez elle, n'a pas fini de nous dépayser, de nous emmener vers d'autres Territoires, à voir !
Mode d'emploi : son texte en taille normale / mon texte en petite taille.


Mon texte là-bas : http://www.mathilderoux.fr/


Tiers Livre et Scriptopolis sont à l'initiative d'un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… "Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre."






5.01.2013

Du BLOG à la SCENE

Les Vases Communicants donnent de la voix
le jeudi 2 mai à la médiathèque Faidherbe, à 19h, à Paris
La médiathèque Faidherbe a mis à la disposition des blogueurs du web littéraire un espace où se croiseront voix et écritures pour une lecture de vases communicants publiés ou à paraître. Un rendez-vous qu’on espère voir circuler, indépendant, ailleurs, en relais !




Avec, pour cette session du 2 mai (présents en dépit des ponts, vacances et autres contraintes) :
Michel Brosseau (http://àchatperché.net/)
Piero Cohen-Hadria (http://www.pendantleweekend.net/)
Nolwenn Euzen (http://grandemenuiserie.fr/)
Virginie Gautier (http://carnetdesdeparts.blogspot.fr/)
Christophe Grossi (http://deboitements.net/)
Dominique Hasselmann (http://www.doha75.wordpress.com/)
Eve de Laudec (http://www.evedelaudec.fr/)
Jessica Maisonneuve (http://gadinsetboutsdeficelles.blogspot.fr/)
Céline Renoux (http://lafilledesastres.com/)
Mathilde Roux (www.mathilderoux.fr)
Anne Savelli (http://fenetresopenspace.blogspot.fr/)
Martine Sonnet (http://www.martinesonnet.fr/blogwp/)
Guillaume Vissac (http://www.fuirestunepulsion.net/)
. Et en « invités-surprise » (venez pour savoir quoi) :
François Bonneau (http://irregulier.blogspot.fr/)
Daniel Bourrion (http://www.face-ecran.fr/)

. présentation sur En Vue & Que faire à Paris : http://quefaire.paris.fr/fiche/51913_du_blog_a_la_scene_les_vases_communicants_donnent_de_la_voix