07 novembre 2023
De retour de quinze jours de résidence à Carpentras, où j’ai fait la rencontre de Laurence Decaesteker. Beaucoup de conversations. Nous avons été invitées, elle comme plasticienne, moi comme écrivaine, par l’association Les Voyages de Gulliver, dans le but de mener ensemble des ateliers autour du thème des chemins coutumiers dans un centre d’accueil qui héberge des personnes isolées et en grande précarité. Le format était nouveau pour moi. Il a fallu adapter l'atelier d'écriture à un public fluctuant, interagissant dans l’immédiateté et souvent en incapacité de se poser pour écrire — et imaginer des formes de prises de notes et des enregistrements individuels ou collectifs, dedans et dehors, toutes collectes de paroles que je transformais ensuite en récits à partager. Cette première résidence de l'année a également été l’occasion de me poser pendant quelques demi-journées, en dehors de toutes autres sollicitations, dans l’écriture du texte "Recours à la nuit". Le dimanche du passage à l’heure d'hiver, avons visité l’exposition “La Nuit Démesurée” dans le parc des Baronnies. Magnifiques photographies de nuits étoilées et plongée dans les nuits textuelles de Jean Giono. Photographié cette citation : "ma sensibilité dépouille la réalité quotidienne de tous ses masques ; et la voilà, telle qu'elle est : magique. Je suis un réaliste" (J. Giono, "Noé"). J'aime l'apparent paradoxe, la qualité magique du réel me parait aujourd'hui très évidente. Encore faudrait-il définir la magie, par exemple avec David Abram, comme l'expérience de vivre dans un monde fait d'intelligences multiples et la capacité à changer de forme de conscience / d'expérience : "en propulsant, dit-il, son attention de côté, en-dehors, dans la profondeur d'un milieu à la fois sensuel et psychologique, dans le rêve vivant que nous partageons avec le faucon qui plane, l'araignée, ou le rocher laissant en silence se développer des lichens sur sa face rugueuse" (D. Abram, "Comment la terre s'est tue"). Puis nous avons marché dans une nuit venteuse, depuis la petite chapelle de la Consolation, en écoutant les rafales dans les arbres et les cailloux rouler sous nos pieds — sans voir autre chose de la pleine lune que son halo, parfois, entre les masses nuageuses. Quelques jours avant mon retour, une tempête de Toussaint frappait la pointe du Finistère, sans faire trop de dégâts d’arbres chez nous, sans nous priver, et c'est heureux pour travailler, des connexions électriques.
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